Editorial Vignovin - Août

 

La sécheresse dans les vignes se double de vagues de chaleur

Une canicule dès le mois de juin, ce fut du jamais vu de mémoire de météorologue. La vague de chaleur ajoutée à la sécheresse a impacté le vignoble notamment dans le grand Sud-Est.  La question de la mise en place nouvelles pratiques culturales ne fait plus aucun doute.

Du jamais vu depuis que les statistiques de la météo existent. Le pays a souffert d’une canicule dès la fin juin suivi d’une seconde vague en juillet. Le premier épisode fut particulièrement violent sur une bande partant de la plaine du Roussillon jusqu’aux rives gardoises du Rhône. Le pic de température du 29 juin, proche des 45 degrés Celsius, a provoqué des brûlures sur le feuillage des vignes. Pour le seul département du Gard, le phénomène a touché 2 500 hectares. La vallée du Rhône a été moins impactée par la chaleur, même si, par endroit, 20 % du vignoble a été touché.

Questionnement de la production

« Cette situation nouvelle provoque deux types de réactions chez les producteurs, relève Martina Widmer, œnologue chez Visavis, une société de conseils qui accompagne des domaines tant sur la viticulture que la vinification en culture traditionnelle, bio et biodynamie. D’une part, l’évidence du réchauffement climatique ne fait plus débat dans la profession. D’autre part, le manque de retour d’expérience sur des phénomènes nouveaux provoque de l’inquiétude ».

Feuillage brûlé

Cette œnologue apporte une première distinction entre la sécheresse et la chaleur. « La sècheresse, qui a touché aussi le Val de Loire, est récurrente depuis plusieurs années. Mais en juin 2019, s’est ajouté aux phénomènes de sècheresse, un épisode de chaleur beaucoup plus précoce que lors des dernières canicules. Les feuilles, encore très jeunes, étaient encore incapables de se défendre ». Conséquence : le feuillage brûle et tombe de la plante. Cette source d’énergie absente, la vigne se met en mode survie pour tenir jusqu’à l’année suivante et fait l’impasse sur sa reproduction d’où l’absence de raisin. Le feuillage protecteur du soleil disparu, les jeunes grains se dessèchent, voire chutent.

Travail de cave compliqué

La sécheresse provoque également les phénomènes similaires avec une réduction des cycles végétatifs, un flétrissement des raisins, une perte en jus et une augmentation importante du taux de sucre. « Conséquence, le taux d’alcool est plus important et l’acidité baisse, reprend Martina Widmer. Quant aux tanins, le manque de maturité amplifiera leur dureté. L’ensemble de l’équilibre général alcool, acidité, tanins s’en trouve affecté. Le phénomène touche plusieurs régions d’Europe, même la Suisse. Pour l’instant, nous sommes encore suspendus à l’arrivée de pluies qui peuvent changer la donne. Je pense que les vendanges seront, cette année encore, précoces ».

Récolte normale

Selon les Vignerons indépendants (7 000 producteurs), « la récolte 2019 devrait, malgré tout, être proche de la normale pour certains vignobles (Bordeaux, Champagne, Vallée du Rhône, Alsace) ou en retrait par rapport à 2018 pour d'autres régions viticoles comme le Languedoc-Roussillon ou certains vignobles de la Vallée de la Loire plus durement touchés par les aléas climatiques qui ont jalonné la saison ».

Nouvelles méthodes culturales

Une des solutions à long terme passe par l’irrigation. Vue l’étendue du vignoble, ce travail de Romains sera long et coûteux à mettre en place. « D’autres solutions séduisent les viticulteurs, reprend Martina Widmer comme la plantation d’arbres pour créer de l’ombre et de la fraicheur sur les ceps, le paillage pour conserver l’humidité, des herbes semées inter-rangs pour apporter de la matière organique sans réduire l’apport hydrique de la vigne. Nous pouvons aussi agir sur la quantité du feuillage pour optimiser la consommation d’eau de la plante ».

Face au réchauffement climatique, toutes les régions viticoles travaillent sur l’adoption de nouveaux cépages mieux adaptés. Mais l’INAO veille sur le respect de la typicité des vins. La filière doit relever des problématiques complexes et compliquées à la fois. Nous sommes bien loin des pratiques des années 70 où l’ajout de sucres avec la chaptalisation palliait le manque de maturité dû à la fraicheur de nos terroirs. Qu’une seule génération sépare les viticulteurs de cette époque. A la génération qui arrive de réinventer sa viticulture.

 

Emmanuel Brugvin

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