En 2017, de grandes orientations doivent être prises quant à la diversité variétale et à la résistance des vignes, face aux changements climatiques. Nous nous sommes entretenus avec Olivier Zekri, Chercheur et Responsable Innovation et Process chez le Pépiniériste Mercier, sur la recherche et les différents programmes en cours.

Vignovin - Pouvez-vous nous présenter la genèse du plan Dépérissement ?
Olivier Zekri - Il y a eu 3 étapes dans la construction du plan dépérissement, tout d’abord le constat fait par une mission parlementaire pour étudier la problématique du dépérissement il y a quelques mois. A la suite de ce rapport, un plan d’action/ambition a été établie par un cabinet indépendant dont sont sortie 4 grandes directions dont 2 sont importantes pour les pépiniéristes et les chercheurs comme Mercier, l’un étant l’approvisionnement en matériel végétal par l’augmentation des surfaces et l’autre étant la recherche focalisée sur le matériel végétal en la favorisant et en mettant en commun les avancés, cela sous le patronat de France Agrimer et du CNIV, qui orienteront et favoriseront la recherche appliquée sur la compréhension des maladies.
Quelles sont les problématiques ?La définition du dépérissement de la vigne est qu’aujourd’hui les vignes dans les vignobles perdent en productivité et en longévité. Le constat actuellement est qu’il y’a bien de la recherche sur les maladies du bois, grâce notamment au plan CASDAR, mais elle a plutôt été confiée aux phytopathologistes, les spécialistes des pathogènes des plantes et des champignons, qui se sont concentrés sur l’esca. Le plan dépérissement veut donner une optique plus large à ces recherches en s’intéressant aussi à la Flavescence dorée, ou aux maladies à virus qui réapparaissent dans l’est de la France par exemple.
Pour les pépiniéristes, l’important est de pouvoir travailler sur les champs de pieds mères de portes greffes et de greffons. Par exemple nous aimerions étudier l’aspect réserve, en sucre et en amidon, car souvent nous travaillons sans connaitre le statut physiologique des bois, à part l’aspect visuel, on a peu d’informations sur la qualité même des bois. Actuellement nous sommes capable de savoir si le plant a des maladies, mais nous ne connaissons pas certains critères du bois : taux d’Azote, Carbonne,… L’idée est donc de produire dans le futur des plants avec les bois de très bonnes qualités physiologiques.
Nous allons également nous remettre à étudier les interactions porte-greffe-greffon. En comprenant mieux les mécanismes de soudures, et en améliorant les techniques de greffes.
Nous entreprendrons par la suite des travaux sur la fertilisation et l’amélioration de la vie du sol, nous pourrons ainsi continuer nos travaux sur les mycorhizes
Cette semaine aura lieu la clôture de l’appel d’offre pour les projets de recherche de ce plan dépérissement, nous saurons donc d’ici quelques jours les projets et pistes de recherche retenus.
Le dépérissement est-il causé par les changements climatiques ? Comment vous y adaptez-vous ?
Un des constats est que certains changements climatiques sont des facteurs prédisposant, facilitants ou aggravants ce dépérissement. En tant que pépiniériste nous pouvons donc nous adapter, au niveau des variétés, par la sélection de nouveaux clones, qui seraient plus ou moins précoces ou résistants à la sécheresse. Ce travail se fait avec l’IFV qui sélectionne le matériel végétal mais nous avons aussi un programme interne, les sélections massales UNIK qui est un terrain d’expérimentation. Un programme Greff-adapt à Bordeaux, travaille également sur les problématiques de greffes et de changement climatique et nous suivons donc ces recherches. Les changements climatiques modifient également les équilibres entre microorganismes et certains peuvent devenir pathogènes alors qu’ils ne l’étaient pas avant. La création variétale est un autre enjeu et nous regardons également ce qui se fait ailleurs dans le monde.
On parle beaucoup en ce moment de Création Variétale et de plants résistants (mildiou-oïdium), quels sont ces plants ? Sont-ils disponibles ?
Un programme de l’INRA, RESDUR, a mis au point de nouvelles variétés hybrides, qui sont des croisements et non des OGM. Ces programmes d’hybridation sont basés sur le principe de la poly-résistance, au mildiou et à l’oïdium. Ces plants, qui seront prochainement commercialisés, devront être testés et multipliés par les pépiniéristes, ils ne seront donc pas réellement disponibles avant quelques années pour les viticulteurs, vers 2020.
Il existe également d’autres programmes dans d’autres pays, en Italie, Allemagne et en Suisse, ou des variétés résistances ont été créées. Elles seront peut-être autorisées prochainement en France mais il y a encore un débat sur l’association de plusieurs gênes de résistance dans ces plantes, car si les variétés crées sont résistantes « monogénique » cela pourrait faire apparaitre des phénomènes d’adaptation des champignons et renforcer les dommages des maladies existantes.
Un observatoire des vignes résistantes, OSCAR, est justement mis en place pour observer l’évolution de ces variétés dans des plantations expérimentales. Ces hybrides ne sont donc pas forcément l’avenir de la viticulture mais peut-être la solution pour une partie de la viticulture.
La problématique de la recherche variétale, faite par croisement et hybridation est qu’elle est très longue, on met plusieurs années voir quelques décennies à mettre au point de nouvelles variétés possédant toutes les qualités, tant dans leurs cultures que dans leurs propriétés organoleptiques. De nouvelles techniques scientifiques, telle que le « génome editing » voient le jour, qui pourrait être une solution tant au plan de la résistance aux maladies qu’au plan de la vélocité de la mise au point des nouveaux plants, cela va également dans le sens de la culture biologique que l’on espère possible à terme pour la vigne. Mais il y a toujours des risques sanitaires certains pour la vigne, et l’on constate l’apparition de nouvelles maladies (GPGV Virus, Xylella fastidiosa…) avec les changements climatiques qui modifient les équilibres des microorganismes, dont certains peuvent devenir pathogènes, comme en Italie dans les vignes et les oliviers. Notre rôle est de continuer à étudier l’évolution de ces microorganismes, nos programmes de recherche portent justement sur la réponse des plants à ces attaques en les aidants avec d’autres microorganismes tels le Trichoderma ou les Mycorhizes.
Une autre partie du plan concerne l’appauvrissement des champs de pieds mères ?
Mercier est déjà dans cette logique, et depuis 5 ans, nous augmentons la surface des cultures des pieds-mères pour bien assurer leurs renouvellements, et afin de pouvoir garder une autonomie de notre matériel de base, sans avoir aucunes dépendances, nous permettant d’avoir ainsi un suivi total de nos plants sans rupture de la traçabilité.
2017, une année de transition pour la viticulture ?
Effectivement de grands virages dans les orientations vont être pris notamment sur la résistance et la recherche génétique. Pour le secteur des pépinières, c’est aussi une année de relance de la recherche en collaboration avec des initiatives publiques, en particulier sur les jeunes plants, qui sont en faveur de l’amélioration générale de la qualité du matériel végétale.
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